Mercredi 28 Avril 2021

Publication générale

Voyager en 2021 : un employeur peut-il l’interdire?

Contexte

Le monde vit une situation sans précédent depuis plus d’un an, notamment avec les nombreuses restrictions sanitaires afin d’empêcher la propagation de la Covid-19.

Pour mémoire, dans l’optique de minimiser la propagation de la COVID-19, l’Agence de la santé publique du Canada a adopté un décret d’urgence en vertu de la Loi sur la mise en quarantaine le 25 mars 2020, obligeant toute personne entrant au Canada par voie aérienne, maritime ou terrestre à s’auto-isoler pendant quatorze (14) jours. Cette nouvelle mesure, parmi d’autres, a créé plusieurs interrogations dans le monde du travail. 

Une des questions est de savoir si un employeur a le droit de demander à ses employés de ne pas partir en voyage à l’étranger durant leurs vacances dans l’optique d’éviter les conséquences des règles de quarantaine obligatoire sur la prestation de travail.


Droits fondamentaux visés

En effet, plusieurs droits fondamentaux s’opposent dans la question susmentionnée. 

D’une part, durant ses vacances, l’employé a droit à la jouissance paisible de son congé et n’est plus soumis à un lien de subordination avec son employeur.  Ainsi, dès lors que l’employeur a consenti aux congés, il ne peut s’immiscer dans la vie privée de son employé. 

D’autre part, l’employeur a un droit de regard sur la capacité de l’employé à fournir sa prestation de travail à son retour de congé et le fait de partir à l’étranger peut avoir un impact sur la prestation de travail à fournir.

Lorsque ces deux concepts se juxtaposent, quel droit prime sur l’autre?


Situations non problématiques

Il convient de rappeler de prime abord que tout salarié qui justifie d’un an de service continu chez le même employeur a droit à un congé annuel d’une durée de trois (3) semaines continues, dont une (1) semaine sans solde.

 En conséquence, la question de l’immixtion de l’employeur dans la destination de vacances de l’employé ne se pose alors pas lorsqu’un salarié, qui justifie d’un (1) an de service continu chez le même employeur, désire faire un voyage d’une semaine à l’étranger, et demeure quatorze (14) jours en quarantaine durant le reste de son congé. 

En principe, la question ne se pose pas non plus lorsque le salarié est en télétravail à temps plein.


Droit en vigueur

En tant que salarié, les obligations envers l’employeur sont simples, notamment, fournir la prestation de travail pour lequel il a été engagé et se soumettre au lien de subordination. Bien que le respect de la vie privée et la non-ingérence dans les loisirs personnels des employés sont des droits fondamentaux, ceux-ci peuvent avoir comme effet de priver l’employeur de ce qui lui est dû. 

Toutefois, même si l’incapacité de fournir les prestations de travail en raison de la quarantaine obligatoire entraîne des conséquences pour l’employeur, celui-ci n’a aucun pouvoir contraignant par rapport à toute question qui ne relève pas de l’emploi qui le lie à l’employé.

 En d’autres termes, l’employeur ne peut pas s’opposer au voyage à l’étranger d’un de ses employés. Il n’existe d’ailleurs pas d’interdictions de l’Agence de la santé publique du Canada au sujet des voyages.


Droit de gérance de l’employeur

Néanmoins, d’autres pouvoirs restent disponibles afin d’assurer le bien-être des autres salariés et l’exécution de la prestation de travail. 

À titre d’exemple, l’employeur n’a aucune obligation de payer la quarantaine de l’employé.

En outre, si l’employeur avait déconseillé à l’employé de partir à l’étranger durant ses vacances parce que le salarié était attendu à une date fixe pour retourner au travail, le défaut pour l’employé de pouvoir fournir une prestation de travail (en raison de la quarantaine) permettrait à l’employeur de sanctionner cette absence par des mesures disciplinaires ou administratives.

Par ailleurs, l’employeur n’est pas tenu d’accueillir une demande pour que ce dernier puisse faire du télétravail. 

De plus, l’employeur pourrait également exiger un test négatif avant le retour au travail.

 Il faut toutefois souligner que l’employeur doit toujours exercer son pouvoir de gérance de manière raisonnable et de bonne foi. Il ne doit donc pas abuser de son droit de direction pour sanctionner de manière disproportionnée le défaut de l’employé de suivre les recommandations de non-voyage à l’étranger.

En somme, dans tous les cas, une proche collaboration et de l’honnêteté sont fortement recommandées dans tout rapport employeur-employé, surtout lors de cette époque sans précédent.


Me Aïssatou Fall avec la collaboration de Yanni Sideris, stagiaire du barreau

Alepin Gauthier Avocats Inc.

Cette chronique contient de l'information juridique d'ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d'un avocat ou d’un notaire qui tiendra compte des particularités de votre situation.

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