Vendredi 22 Octobre 2021

Publication générale

La diffamation à l'ère des médias sociaux

Changement à la législation fédérale

Le 23 juin dernier, le projet de loi C-36 a été déposé à la Chambre des communes. Le projet de loi énonce, notamment, que le fait de communiquer un discours haineux au moyen d’internet dans un contexte où les propos sont susceptibles de fomenter la diffamation d’un individu sur le fondement d’un motif de distinction illicite constitue un acte discriminatoire. Pensons aux commentaires racistes, homophobes et autres publiés par des utilisateurs sur les différents sites Internet sous le couvert de l’anonymat.

Cette nouvelle législation offrira un remède à la diffamation au Tribunal canadien des droits de la personne lorsque celle-ci vise des motifs de distinction illicite. À défaut d’être fondée sur l’un de ces motifs, une victime de diffamation devra avoir recours à la responsabilité civile.

La responsabilité civile comme remède à la diffamation

De son côté, le législateur québécois n’a pas adopté un régime spécifique à la diffamation. Avec l’avènement des réseaux sociaux et la multiplication des propos diffamatoires, c’est toujours le régime de responsabilité civile qui encadre la diffamation. Ainsi, la victime de diffamation devra faire la preuve d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre ces deux premiers éléments.

La diffamation ne trouve pas de définition dans le Code civil du Québec, mais elle a été définie par les tribunaux. Nous pouvons retenir les éléments suivants de la jurisprudence :

-Communication de propos ou d’écrits;

-De nature à faire perdre l’estime ou la considération de quelqu’un;


1. La faute

Afin d’évaluer si une situation donne lieu à de la diffamation, une analyse objective s’impose. La faute en matière de diffamation peut résulter de deux types de conduites :

  • soit malveillante ou
  • simplement négligente.

La dernière catégorie inclut les choses désagréables sur autrui alors qu’elle devrait les savoir fausses, mais également les propos défavorables tenus sans justes motifs, qui sont néanmoins véridiques.

Les paroles peuvent être diffamatoires par l’idée qu’elles expriment explicitement ou encore par les insinuations qui s’en dégagent, puisque l’appréciation de la faute demeure contextuelle. Bref, il y a lieu de se demander si un citoyen ordinaire considèrerait les propos tenus comme étant de nature à faire perdre l’estime ou la considération.


2. Le préjudice et lien de causalité

Une fois que la communication a été qualifiée de diffamatoire, la preuve du préjudice subi et le lien de causalité entre les propos fautif doivent être établis.

Les réseaux sociaux offrent une toute nouvelle liberté en permettant la communication de messages publics à l’aide d’un seul clic. L’auditoire de messages diffamatoires est élargi de manière considérable. Toutefois, faire la preuve du nombre de personnes dont l’estime pour la victime aurait diminué peut être un exercice très ardu.

D’autant plus, lors de l’analyse basée sur le « citoyen ordinaire », il faut prendre en considération le contexte dans lequel se sont tenus les propos. Dans une décision récente, la Cour supérieure a pris en considération la possibilité qu’offre Facebook de répondre à des propos. La demanderesse, dans cette décision, avait répondu, dans les commentaires d’une publication la visant, aux propos qu’elle considère diffamatoires et en se défendant de ce qu’on lui reprochait. La juge estime alors que le commentaire en réponse permet de relativiser l’impact de la publication aux yeux des citoyens ordinaires.


Où poursuivre?

Aucun recours en diffamation ne peut être intenté devant la division des petites créances de la Cour du Québec. Ainsi, même si les dommages réclamés sont égaux ou inférieurs à 15 000 $, le recours devra être entrepris en chambre civile de la Cour du Québec.


Me Xuzhi Liang

Avec la collaboration de Charles Bourque-Chapleau, stagiaire en droit


Alepin Gauthier Avocats Inc.

Cette chronique contient de l'information juridique d'ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d'un avocat ou d’un notaire qui tiendra compte des particularités de votre situation.



Source: Cliffe c. Allard, 2020 QCCS 3051

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