Obligations des employeurs du Québec face à la légalisation du cannabis

Mercredi 12 Septembre 2018

Publication générale

employeurs et cannabis

Petit rappel de certaines obligations, en matière de santé et sécurité du travail, des employeurs assujettis aux lois du Québec face à la légalisation du cannabis


Avec la légalisation à venir de la consommation du cannabis à des fins récréatives qui, incidemment, est prévue pour le 17 octobre 2018, les employeurs qui exploitent une entreprise assujettie aux lois du Québec ont, à notre avis, intérêt à se pencher, avant une telle date du 17 octobre 2018, sur leurs obligations relatives à la santé et sécurité du travail dans le milieu de travail où ils exploitent leur entreprise.


En effet, de tels employeurs devraient, si ce n'est déjà fait et avant le 17 octobre 2018, se familiariser avec le contenu de plusieurs dispositions législatives, certaines déjà en force et d'autres à l'être dans un avenir rapproché, qui viennent, en quelque sorte, encadrer certains aspects de santé et sécurité du travail dans le milieu de travail québécois et dont nous nous permettons d'identifier, plus bas, certaines de ces dispositions législatives concernées.


Le Code civil du Québec

Il peut être utile de savoir que le législateur québécois a notamment prévu, à l'article 2087 du Code civil du Québec, qu'un employeur doit prendre les mesures appropriées à la nature du travail en vue de protéger la santé, la sécurité et la dignité du salarié.


D'autre part, il est reconnu, à l'article 2088 du Code civil du Québec, qu'un salarié est tenu notamment d'exécuter son travail avec prudence et diligence.


La Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière (2018 chapitre 19 – sanctionnée le 12 juin 2018)

Le législateur a adopté, le 12 juin 2018, le projet de loi N° 157, Loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière, et dont les principales dispositions contenues dans un tel projet de loi entreront en vigueur à une date à être déterminée, ultérieurement, par le législateur québécois.


Par ailleurs, plusieurs dispositions se retrouvant dans ce projet de loi N° 157 sanctionné le 12 juin dernier abordent des aspects de santé et sécurité au travail, telles que :


1. L'article 12, premier alinéa, sous alinéa 15, de la Loi encadrant le cannabis qui est proposé par l'article 19 du projet de loi N° 157 et qui prévoit, en essence, qu'il est interdit de fumer du cannabis dans les milieux de travail, à l'exception de ceux situés dans une résidence privée;


2. L'article 12, premier alinéa, sous alinéa 16, de la Loi encadrant le cannabis qui est proposé par l'article 19 du projet de loi N° 157 et qui prévoit, en essence, qu'il est interdit de fumer du cannabis dans les moyens de transport collectif et les autres moyens de transport utilisés dans le cadre d'un travail;


3. L'article 18 de la Loi encadrant le cannabis qui est proposé par l'article 19 du projet de loi N° 157 et qui a pour effet notamment d'imposer, à l'exploitant d'un milieu de travail autre que celui situé dans une résidence privée, ainsi qu'à l'exploitant d'un moyen de transport collectif et d'autres moyens de transport utilisé dans le cadre d'un travail, une obligation de ne pas tolérer qu'une personne fume du cannabis dans un endroit qui est sous la responsabilité de l'exploitant et où il est interdit de le faire, ainsi que celui également d'imposer, à un tel exploitant, l'obligation de faire preuve de diligence raisonnable en prenant les précautions nécessaires afin de prévenir que toute personne fume du cannabis dans un endroit qui est sous la responsabilité de l'exploitant et où il est interdit de le faire;


4. L'article 101 de la Loi encadrant le cannabis qui est proposé par l'article 19 du projet de loi N° 157 et qui vient modifier la Loi sur la santé et sécurité du travail (chapitre S- 2.1) afin d'y insérer, après l'article 49 de cette Loi sur la santé et sécurité du travail, l'article 49.1 dont le contenu cet article ajouté est le suivant, à savoir :


« 49.1 Le travailleur ne doit pas exécuter son travail lorsque son état représente un risque pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, ou encore celle des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité de ces lieux, notamment en raison de ses facultés affaiblies par l'alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire.


Sur un chantier de construction, l'état d'un travailleur dont les facultés sont affaiblies par l'alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire représente un risque aux fins du premier alinéa. »;


5. L'article 102 de la Loi encadrant le cannabis, qui est proposé par l'article 19 du projet de loi N° 157 et qui vient modifier la Loi sur la santé et sécurité du travail (chapitre S-2.1) afin d'y insérer, après l'article 51.1 de cette Loi sur la santé et sécurité du travail, l'article 51.2 dont le contenu de cet article ajouté est le suivant, à savoir :


« 51.2 L'employeur doit veiller à ce que le travailleur n'exécute pas son travail lorsque son état représente un risque pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique, ou encore celle des autres personnes qui se trouvent sur les lieux de travail ou à proximité de ces lieux, notamment en raison de ses facultés affaiblies par l'alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire.


Sur un chantier de construction, l'état d'un travailleur dont les facultés sont affaiblies par l'alcool, la drogue, incluant le cannabis, ou une substance similaire représente un risque aux fins du premier alinéa. ».


La Charte des droits et libertés de la personne

L'article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne adoptée par le législateur québécois prévoit notamment qu'une personne ne peut faire l'objet d'une discrimination en raison d'un handicap.


D'autre part, suivant notre compréhension de l'état de la jurisprudence actuelle qui se rattache à l'interprétation de cet article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne, la notion de handicap pourrait inclure la dépendance au cannabis et, de ce fait, un salarié qui présenterait une dépendance au cannabis pourrait alors faire valoir une obligation d'accommodement imposée à son employeur, si ce n'est et sous réserve de toute contrainte excessive pour l'employeur concerné.


De plus, il faut aussi retenir qu'il est prévu, à l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne, que toute personne a droit au respect de sa vie privée et que, dès lors, tout test de dépistage aléatoire qu'un employeur qui exploite une entreprise assujettie aux lois du Québec pourrait envisager d'imposer à l'un ou à l'ensemble de ses employés pourrait, sauf dans des cas bien précis, entrainer une violation du droit au respect de la vie privée de tel(s) employé(s).


Le Code criminel

Le législateur canadien a notamment prévu, à l'article 217.1, Code criminel, qu'il incombe à quiconque qui dirige l'accomplissement d'un travail ou l'exécution d'une tâche ou qui est habilité à le faire, de prendre les mesures voulues pour éviter qu'il en résulte de blessure corporelle pour autrui.


Par ailleurs, un manquement à l'article 217.1, Code criminel, pourrait amener la personne contrevenante à faire face, dans certaines circonstances, à des accusations d'avoir enfreint le Code criminel, tel que, par exemple, à une accusation de négligence criminelle prévue à l'article 219, Code criminel.


Conclusion

Le texte qui précède, vous le comprendrez bien, ne constitue qu'un survol de certaines obligations, en matière de santé et sécurité du travail, des employeurs qui exploitent une entreprise assujettie aux lois du Québec et que ce texte ne doit nullement être interprété comme comprenant une liste exhaustive de telles obligations.


Ainsi donc, de tels employeurs ont intérêt à consulter rapidement, si ce n'est déjà fait, leur avocat en vue non seulement d'en savoir davantage sur leurs obligations relatives à la consommation de cannabis en milieu de travail, mais également afin de bien connaître les actes qu'ils pourraient avoir intérêt à poser avant le 17 octobre prochain, dont, à titre d'exemple seulement, celui de mettre en place une politique reliée à la consommation de cannabis au travail, et ce, dans l'objectif de faire preuve, en tout temps, de diligence raisonnable pour prévenir la consommation de cannabis dans le milieu de travail où ils exploitent leur entreprise.


Finalement, pour de plus amples informations, n'hésitez pas à communiquer avec nous.


Me Yves Paquette, avocat

Alepin Gauthier Avocats Inc.


Ce texte contient de l'information juridique d'ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d'un avocat qui tiendra compte des particularités de votre situation.

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