Cannabis, condominiums et immeubles locatifs résidentiels

Jeudi 02 Août 2018

Publication générale

cannabis et condo

Les discussions actuelles sur la consommation et la culture du cannabis à des fins personnelles et récréatives font couler beaucoup d’encre, autant dans les médias que dans le milieu juridique. Les propriétaires d’immeubles locatifs résidentiels et les gestionnaires de syndicat de copropriété souhaiteraient pouvoir gérer les changements à venir, voir interdire la consommation et la culture du cannabis dans les logements et les condos. À quoi peuvent-ils s’attendre?


Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales

Le 24 août 2016, le Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales est entré en vigueur. Ce dernier a remplacé le Règlement sur la marihuana à des fins médicales. Depuis plusieurs années, ces règlements fédéraux ont permis aux Canadiens souffrant de divers problèmes médicaux de bénéficier de l’utilisation du cannabis, suivant une autorisation de leur médecin. Les personnes visées par le Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales peuvent ainsi s’approvisionner auprès de producteurs autorisés par Santé Canada, cultiver eux-mêmes leur cannabis à la maison ou désigner un tiers à cette fin. Évidemment, la consommation est limitée à des fins personnelles et la quantité qui pourra être consommée ou cultivée est restreinte par le règlement. Il est à noter, toutefois, que lorsque la Loi sur le cannabis (projet de loi C-45) discutée plus bas et le Règlement sur le cannabis (DORS/2018-144) entreront en vigueur, soit, en principe, le 17 octobre 2018 tel que le gouvernement canadien le publicise actuellement, le Règlement sur l’accès au cannabis à des fins médicales sera, de fait, abrogé et remplacé ,en essence, par le contenu dudit Règlement sur le cannabis (DORS/2018-144).


Projet de loi C-45 et Projet de loi 157

Le projet de loi C-45, soit la Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi règlementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois (ci-après « la Loi Fédérale »), a reçu la sanction royale et entrera en vigueur le 17 octobre 2018. Elle vise à encadrer non pas l’utilisation à des fins médicales, mais plutôt l’utilisation à des fins récréatives ou personnelles. Le Projet de loi constituant la Société québécoise du cannabis, édictant la Loi encadrant le cannabis et modifiant diverses dispositions en matière de sécurité routière (ci-après « la Loi Provinciale ») a, quant à elle, été adopté le 12 juin 2018. Le gouvernement fédéral autorisera les particuliers à cultiver un maximum de quatre (4) plans par ménage, alors que le provincial exclura cette possibilité. La consommation sera permise dans les lieux privés et certains lieux publics, de manière similaire au tabac, tout en ayant un certain nombre de limitations additionnelles. À titre d’exemple, la possession de cannabis séché par ménage sera limitée à 150 grammes et la consommation dans les aires communes des logements ayant plus de deux logements sera interdite.


L’entrée en vigueur, dans un avenir rapproché, de ces lois cause déjà de nombreux maux de tête aux propriétaires d’immeubles à revenus ainsi qu’aux gestionnaires de copropriétés. En effet, sont déjà nombreux ceux qui souhaitent pouvoir interdire la consommation dans les logements et dans les condominiums, autant dans les parties privatives que communes. Est-il possible d’exercer un contrôle? Comment est-ce possible? Ce sont des questions qui brûlent les lèvres de bien des propriétaires.


IMMEUBLES RÉSIDENTIELS

La Loi Provinciale a été adoptée, mais n’est toujours pas entrée en vigueur. Comme c’est le cas pour le tabac, les locateurs pourront, à notre avis, décider, en lien avec de nouveaux baux à conclure, d’interdire la consommation de cannabis dans les appartements, autant dans les aires communes que dans les logements. Dans le cadre de la signature d’un nouveau bail, le locataire potentiel qui ne souhaitera pas se voir appliquer une telle restriction pourra, cependant, tout simplement refuser de louer le logement.


Par ailleurs, en ce qui concerne les baux existants, il peut être utile de noter que la Loi Provinciale prévoit que les locateurs pourront modifier les conditions du bail et y inclure une interdiction de fumer du cannabis dans les 90 jours suivant l’entrée en vigueur de la Loi. Pour ce faire, le locateur devra remettre un avis écrit au locataire en lui expliquant les conditions de l’interdiction. Le locataire ne pourra s’opposer à cet avis que pour des raisons médicales. Il devra alors aviser le locateur dans un délai de 30 jours de la réception de l’avis. Si tel est le cas, le locateur pourra s’adresser à la Régie du logement dans les 30 jours de la contestation du locataire afin que la Régie puisse décider du bien-fondé ou non de cette modification recherchée pour le bail. En l’absence de refus du locataire, l’interdiction sera réputée inscrite au bail et en fera partie intégrante.


COPROPRIÉTÉS

Nous pouvons, à notre avis, mais sujet aux versions officielles des lois qui seront mises en vigueur, faire un parallèle entre les nouvelles copropriétés et les nouveaux baux résidentiels, en ce sens qu’un entrepreneur qui crée une nouvelle copropriété et donc une nouvelle déclaration de copropriété pourra y intégrer les clauses qui lui conviennent, mais pourvu que de telles clauses ne contreviennent pas aux lois alors en force. Il n’est pas, à ce jour, exclu qu’il puisse, à l’égard d’une nouvelle copropriété, réglementer la consommation et la culture de cannabis ou l’interdire, à son choix. Un futur acheteur pourrait ainsi, face à une telle situation, tout simplement refuser d’acheter l’unité privative si les termes de la déclaration de copropriété et les règlements ne lui conviennent pas.


L’exercice pourrait, suite à l’entrée en vigueur à venir des projets de loi susmentionnés dans leurs versions définitives, être plus compliqué pour une copropriété existante. En effet, nous sommes portés à croire, au moment d’écrire ces lignes, que la modification à la déclaration de copropriété ou au règlement de l’immeuble concerné en vue d’y faire ajouter, par exemple, une clause d’interdiction de fumer du cannabis à l’intérieur d’une unité privative devra, en toute probabilité, mais sujet, encore une fois, au contenu des textes de loi qui seront alors mis en force, être approuvée lors d’une assemblée des copropriétaires.


Par ailleurs, cette approbation pourrait devoir être obtenue par voie d’une décision à être prise à la majorité des trois quarts des copropriétaires, représentant 90% des voix de tous les copropriétaires, dans le cas où la modification recherchée aurait pour effet de changer la destination de l’immeuble concerné. Notre vision actuelle est qu’il pourra donc, une fois que les projets de loi susmentionnés, dans leurs versions définitives, seront entrés en vigueur, être plus difficile d’obtenir les modifications désirées, d’où l’intérêt, selon nous, des copropriétaires à penser à faire adopter ces modifications avant l’entrée en vigueur à venir desdits projets de loi. Actuellement, la Loi Provinciale, dans son contenu, n’aborde pas la question. Conséquemment, il se pourrait que nos tribunaux soient éventuellement appelés à se prononcer sur l’ajout possible, le cas échéant, d’une clause d’interdiction de fumer du cannabis à l’intérieur d’une unité privative ainsi que sur les conditions de vote à respecter pour dûment amender, en ce sens, la déclaration de copropriété.


Dans tous les cas, une analyse des lois alors mises en force, de la destination de l’immeuble concerné ainsi que de la déclaration de copropriété, incluant le règlement de l’immeuble, devra être effectuée afin de déterminer les conditions à respecter afin de pouvoir proposer et adopter de tels changements. Nos avocats et notaires sont les personnes tout indiquées afin de vous guider dans ce processus et d’effectuer les modifications appropriées lorsqu’elles seront approuvées. N’hésitez pas à venir nous consulter afin de discuter de votre situation et obtenir une opinion personnalisée.


Finalement, pour de plus amples informations, n’hésitez pas à communiquer avec nous.


Me Maxine Gauthier, notaire

Me Yves Paquette, avocat

Alepin Gauthier Avocats Inc.


Ce texte contient de l’information juridique d’ordre général et ne devrait pas remplacer un conseil juridique auprès d’un avocat ou d’un notaire qui tiendra compte des particularités de votre situation.

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